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Pourquoi l'improvisation théâtrale est bonne pour l'entreprise ?
Dans le monde de l’entreprise aujourd’hui en quête d’agilité, de souplesse, d’intelligence collective et de recherche de nouveaux mécanismes de création de valeurs, pourquoi ne pas se pencher sur des solutions plus alternatives?
Nous connaissons les freins au développement de la collaboration, qu’il s’agisse d’une perte de sens dans le travail, d’un manque de confiance dans son entreprise ou en soi-même, d’une certaine guerre des egos, d’un manque de reconnaissance des tâches au services des autres ou d’une perte profonde de motivation pour un objectif économique auquel nous ne croyons plus.
Face à cela, pourquoi ne pas tenter de répondre par une nouvelle approche, l’improvisation théâtrale, plus participative, permettant le développement d’un savoir être individuel au service d’un objectif commun.
L’improvisation comme levier d’apprentissage
L’improvisation a le vent en poupe dans les sociétés à grand renfort de team building et de formations au développement personnel. Cela s’explique par une approche originale et décalée du contexte professionnel qui induit un apprentissage plus rapide car :
Concrète : une mise en pratique immédiate qui permet de vérifier et valider ce qui est transmis
Participative : ces animations favorisent l’implication de chacun et évitent les mises à l’écart
Ludique : c’est avant tout un jeu où la prise de plaisir devient un levier d’apprentissage
Réaliste : comme en entreprise, les participants contribuent au groupe par leur personnalité
Sans limite : la seule limite à l’improvisation est l’imagination
Tous ces éléments expliquent l’engouement pour l’improvisation en entreprise. Mais il est possible d’aller beaucoup plus loin.
L’approche "CLES"
Il est possible d’utiliser l’improvisation pour répondre à des enjeux structurels, déclinés ici en 4 fondements, ciments de l’entreprise collaborative : Confiance, Leadership, Ecoute, Sens.
Il n’est plus à démontrer que la confiance est un facteur essentiel pour le développement des entreprises agiles et de l’intelligence collective comme cela est encore souligné dans l’ouvrage de Paule Boffa-Comby (La Confiance, Un Nouveau leadership ?). Au-delà de cet enjeu économique et organisationnel, il y a également l’enjeu purement humain et individuel. Le bien-être au travail ne pouvant être atteint sans confiance en soi-même et aux autres.
Confiance réciproque
La confiance est l’une des premières notions développées par l’improvisation et plus précisément le non-jugement. Participer à une improvisation théâtrale nécessite un lâcher prise important voire total qui ne peut être obtenu que par :
Le non-jugement de soi et des autres
Un climat de bienveillance favorisant la prise de risque
La reconnaissance de l’autre comme partenaire
Un autre levier de confiance est l’acceptation de l’erreur comme source d’opportunité et comme nouveau levier « d’écriture ». Hors des managements paternalistes et hiérarchies complexes, les salariés, dans les systèmes plus participatifs, se retrouvent « en première ligne ». L’exploitation pragmatique de l’échec est un élément fondamental pour l’essor de cette confiance.
Leadership tournant
Partant du principe que toutes les forces vives sont créatrices de valeurs, il est nécessaire que l’ensemble des membres de l’entreprise assume un certain leadership.
De la même manière en improvisation, tous les participants doivent développer une certaine intelligence du groupe pour définir à quel moment il faut "reprendre la main". Le leadership tournant est donc la mise en place d’une dynamique d’échange où chacun est au service des autres pour relancer la machine et impulser une nouvelle énergie.
La difficulté de l’exercice réside donc dans l’acquisition de 3 compétences :
Assertivité pour diriger le groupe
Humilité pour accepter le leadership de l’autre et de le valoriser
Conscience du groupe par une écoute dynamique
Ecoute dynamique
Pour reprendre les propos de Marie Vézy, Senior Vice President Human Resources, Energy & Sustainability Services, de Schneider Electric, dans l’ouvrage cité plus haut "La collaboration ne se décrète pas, c’est une question d’entrainement". Je me permettrais de compléter ses propos et de dire que c’est également une question de choix. Les salariés de l’entreprise comme l’organisation elle-même doivent faire le choix de la collaboration et s’engager dans un véritable travail d’ouverture aux autres. Et cette ouverture passe par l’apprentissage d’une écoute dynamique.
Développer l’écoute dynamique c’est faire le choix d’une veille active envers l’autre. Elle vise à « entendre » l’ensemble des signaux verbaux ou non. Cette écoute s’acquiert par un travail intellectuel et corporel nécessitant une disponibilité totale par un choix conscient qui rendra la coproduction plus efficace.
Sens partagé
Pour qu’une entreprise réussisse une transformation complexe, demandant aux salariés de l’investissement, il est primordial de partager un objectif. Malgré les divergences d’opinions et de moteurs personnels, il faut comprendre l’enjeu d’avancer dans la même direction.
Dans toutes histoires, si nous refusons la proposition de l’autre et restons dans une confrontation sans issue alors aucune des 2 parties n’avancera. De la même manière que 2 personnages doivent trouver un « terrain d’entente » sans pour autant renier leurs moteurs, il est aujourd’hui urgent que les directions et les salariés définissent leur but commun.
En improvisation, la richesse des histoires vient de la complémentarité des propositions. Même si ces dernières peuvent paraitre contradictoires, il y a toujours une troisième voie. Mais elle n’est possible que dans un climat de confiance réciproque où chacun se sent libre de contribuer et de prendre le leadership lorsque la dynamique du groupe le demande. Celle-ci n’est perceptible que par une posture d’écoute volontariste. Et cela n’est possible que par le partage d’un objectif commun complémentaire aux objectifs personnels. Cette co-construction sera la meilleure source de valeur de l’entreprise car totalement unique, tout comme une belle improvisation.